Elle est là, en face de moi.
y'a mes oreilles qui entendent le pire, y'a mes yeux au bord des larmes.
J'essaie de contenir, je mène un entretien.
Enfin, nous sommes deux,
heureusement,
c'est soutenant
c'est rassurant
je sais que ma collègue est touchée tout autant que moi.
Parfois je me demande quel travail je fais.
Nous n'avons pas de prime pour toute la violence qu'on se reçoit,
en pleine face, en plein dans le coeur,
on reçoit,
ces histoires de vies parfois,
pleines de fracas
pleine de malheurs,
et ça nous serre, tout à l'intérieur
du coeur.
ça fait des mois que Madame et moi
on se côtoie,
après ma collègue est arrivée
parce que c'était très compliqué
j'ai demandé une co-intervention,
parce qu'on est un de ses seul soutien,
et la soutenir toute seule,
bein franchement, j'en perdais mon latin.
D'autant plus que Madame et moi,
ça résonne sévère,
elle me fait penser à moi.
Mais ça, même en équipe,
je ne me suis pas trop permise d'en parler,
chez nous, chez les travailleurs sociaux,
on n'a pas trop bien le droit de parler d'ça.
Grossière erreur,
on ne travaille qu'à l'intérieur de relations humaines,
entre les personnes que l'on rencontre et soi,
on ne travaille qu'avec sa personnalité
marqué de notre vécu
on ne travaille qu'avec ce que l'on est
avec nos forces et nos fragilités.
Madame Katmandou, je l'ai capté,
et ce, peut etre bien dès la première fois,
Madame Katmandou,
oui,
c'est un peu moi,
fragile et forte à la fois,
jamais à vouloir se laisser manquer de respect,
Madame Katmandou à la rage,
la rage de vivre, la rage de survivre,
et ça,
ça m'a interloqué le coeur,
mon double ou presque,
était en face de moi.
Presque, parce que,
Madame Katmandou et moi,
le même vécu,
on l'a pas.
Mais on revendique, avec nos trippes,
Inscrit dans nos personnalités,
on n'aime pas le manque de respect
Je suis malheureuse d'entendre,
ce jour là,
ce qu'elle me raconte là,
ça me touche vraiment,
je l'aime bien Madame Katmandou,
je suis révoltée qu'elle est vécu tout cela.
Et si j'écris ce petit texte, c'est aussi pour lui rendre hommage,
pour sa force et son courage,
d'élever aujourd'hui deux enfants
à vingt deux ans
seule
comme ça.
Bref, je me sens un peu responsable,
de ce qui se passe là,
ai-je été trop loin..
Mme Katamandou
au départ, ne parlait pas.
Enfin,
elle parlait beaucoup Mme Katmandou,
Mais peu de ses émotions,
peu de ce qui l'animait vraiment tout au fond,
C'était comme kéblo profond
à l'intérieur de son coeur.
Alors, comme Mme Katmandou
était prise
au coeur de relations
empruntes de violence,
Comme Mme Katmandou,
réagissait à la violence
par de la violence,
et que ses deux enfants,
qu'elle aime profondément,
étaient témoins de toute cette violence là,
je l'ai brassé, dans tous les sens,
à la questionner sur sa violence.
ça a parfois était animé entre Mme Katmandou et moi,
Parce que je n'avais pas vraiment d'autre choix
que de résister à sa résistance,
même si je savais que ça lui faisait parfois violence.
C'est que je l'aimais bien Mme Katamandou,
et c'est toujours avec cette bienveillance là
que résistant à sa résistance
je me voyais parfois lui faire souffrance
à la brasser comme ça dans tous les sens.
Et si mon intervention était de l'aider
à préserver ses enfants,
j'intervenais aussi
parce que
pour elle
j'avais un grand souci.
Le souci de l'aider à se construire
de toutes ses relations dans sa vie
où la violence d'autrui
la violence de la vie
l'avait elle même violentée.
Mme Katmandou n'avait connu que la violence,
Mais Mme Katmandou disait qu'elle n'avait pas besoin de parler de ça,
Mme Katmandou était sujette à la violence,
Mais ça n'était pas en lien,
pour elle,
avec toutes ses souffrances là.
Et puis ses enfants, eh bien, ils savaient comment elle était.
Moi je demandais toujours à Mme Katmandou,
si elle voulait que ses enfants
plus tard,
répondent aux stimulis de l'existence,
par de la violence.
Un peu embêtée,
elle me disait,
mes enfants ne se laisseront
pas faire.
En même temps,
peut être bien que c'était plutôt compliqué
tout ce que lui racontais.
Mme Katmandou,
elle n'avait connu que la violence,
le père de ses enfants,
son père,
l'abandon précoce de sa maman,
la séparation d'avec ses grands parents,
Mme Katamandou,
je ne sais même pas,
si elle se doutait que la vie
pouvait se mener sans violence.
Peut être bien que si,
mais c'était très loin,
jusqu'a ses onze ans,
avant de s'envoler chez son Papa,
ses grands parents l'avait élevé avec bienveillance.
C'est après,
qu'elle avait connu la violence.
Alors je lui disais,
Mme Katmandou,
si vous voulez sortir de cette violence,
il va falloir parler de cette violence,
de toute façon,
pour les enfants vous ne pouvez pas avoir d'autre choix.
Elle n'était pas contente Mme Katmandou,
mais elle venait toujours aux rendez-vous.
Et desfois, on s'entendait vraiment bien.
je la brassais
mais toujours
aussi
je la valorisais
sur toutes ses capacités
que je percevais
qu'elle avait.
Et puis parfois aussi,
on partageait
des moments rares,
un jour alors que ja recevais
au service
à l'accueil:
"Regardez Mme...., Sambala Marche..."
Sambala marchait devant moi.
Je crois que c'était la permière fois
que j'étais émue autant que ça
de voir un enfant faire ses premiers pas..
"Bravo Sambala...
vous devez être fière Mme Katmandou!"
"oui!"
Des moments,
comme ceux là,
dans mon métier,
ça n'à pas de prix,
ça remplit le coeur.
Et puis notre relation s'était posée,
depuis quelque temps.
Même si dans mon métier
faut être patient.
On était en plein travail sur son histoire de vie.
Un jour Mme Katmandou avait confié
que c'est vrai,
elle avait des souffrances dans le coeur.
Comme ça c'était sorti.
Et puis elle avait commencé à faire le lien.
Dans son présent,
aujourd'hui,
elle retrouvait son passé
et ça lui plaisait plus bien
elle voulait changer ça.
Et puis un jour,
Ce jour là,
Mme Katmandou nous à raconté
parce que ça lui faisait du bien,
son changement de vie lorsqu'elle est arrivée en France,
ce changement où elle avait découvert la violence.
Elle etait là, face à moi. j'ai débuté ce texte comme ça.
y'avait mes oreilles qui entendaient le pire, y'avait mes yeux au bord des larmes.
J'essayais de contenir, je menais un entretien.
Mais j'en croyais pas mes oeilles et j'étais presqu'en trop plein,
en trop plein de révolte, d'une injustice de vie comme celle là.
Mais je trouvais ça bien qu'elle en parle
parce qu'elle nous disait que ça la libérait.
Mme Katmandou après un an,
à nous découvrir les unes et les autres, ma collègue, elle, moi
à partager des discussions, à échanger des réflexions,
des moments avec les enfants,
a su trouver la force
d'affronter ses émotions.
Mme Katmandou est forte,
car elle ne baisse jamais les bras.
Mme Katmandou a évolué
je la trouve transformée,
plus confiante en elle, plus sereine, plus posée,
Alors, avant mon départ
Mme Katmandou m'a confié
que si elle avait tant de violence avant,
c'est qu'elle n'avait jamais appris à parler.