Parfois, je rêve de plus d’humanité dans notre métier que l’on dit social. Je ne sais pas ce que mes pairs travailleurs sociaux en penseraient mais je trouve que nos métiers, sous leurs aspects charitables, manquent cruellement d’humanité.
Le poids des préjugés, des représentations, du formatage,semble brider de plus en plus nos professions de soutien à autrui. L'atmsophère du social semble être à la méfiance quant au lien. Nous semblons parfois nous rassurer dans la technicisation de l'approche de l'autre.
Je me suis engagée dans cette profession pas seulement avec conviction mais avec passion. Passion féroce d’agir pour plus de justesse, de justice, dans une société trop fragmentaire, trop inégalitaire.
Je me sens l’égale de ceux que j’accompagne. Je ne me sens pas en distance avec les personnes à qui je tends la main. Je leur offre ce que je peux, toujours, j’essaie, le meilleur de moi-même.
Combien de personnes rencontrées m’ont hantées, me hantent encore. Combien pour qui en rentrant le soir je me suis décarcassée, soupirant parfois, de n’avoir à leur offrir aucune solution.
J’ai des picotements au cœur quand je repense à certains mômes que même le Juge des enfants n’a pas toujours pu aider.
Mais c’est comme ça, on ne peut pas toujours aider quelqu’un même si ça fait mal au cœur et que ça cause parfois du chagrin.
En cette nouvelle année 2012, je voulais adresser une grosse dédicace à tous ces mômes croisés (de l'AEMO aux foyers éducatifs aux centres de vacances).
Ils m’ont tellement apportés, tellement amenés à me remettre en question, à comprendre l’influence de mes propres réactions dans certains de leurs comportements, à comprendre qu’on apporte du soutien et peut être de l’aide à quelqu’un, en n’accordant de l’importance qu’à ce qui va bien, certainement pas en se focalisant sur ce qui va mal, certainement pas en entrant dans une folie répressive de la chasse aux mauvais comportements.
Beaucoup en mal d’amour, en quête de reconnaissance, beaucoup se sentant mauvais, jugés, condamnés par autrui.
Attention à nos discours et à nos propos, au regard que l’on porte sur eux, les mômes tenteront presque souvent de coller à l’étiquette qu’ils pensent, rarement à tord, qu’on leur à collé.
La société se méprend sur sa jeunesse et les dirigeants, les médias, font tout pour entretenir cette méprise.
Peut-être parce qu’ils y ont un intérêt ?
Notre jeunesse est en souffrance et on ne peut si facilement, comme certains cherchent à le faire, attribuer, comme s’ils étaient des adultes, à nos enfants, la responsabilité pleine et entière de leurs dérapages. Vouloir readapter l’ordonnance du 2 février 1945 en allant toucher à la philosophie,à l’esprit même du texte est plus qu’une grossière erreur. J’ai froid dans le dos quand je pense aux conséquences. L’ordonnance du 2 février 1945, c’est la primauté de l’éducatif sur le répressif en matière de délinquance des adolescents. c'est le texte fondateur en matière de justice des mineurs.
Mais je me pose une question, est-ce en mâtant nos adolescents que nous leur permettront de grandir ? Aujourd’hui, la tendance est de se désintéresser de l’éducatif pour faire primer le répressif. On n’éduque personne avec du chantage, on ne permet pas à une société de progresser si on maltraite ses enfants et si on cesse de croire en eux.
Une grosse dédicace pour tous ses mômes croisés au détour de mon chemin, que mon métier m’a amené à rencontrer, avec lesquels j’ai appris l’humilité. Merci à beaucoup d'entre eux pour m’avoir montré que derrière la carapace, se cache un cœur gros comme ça.