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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 16:37

Parfois, je rêve de plus d’humanité dans notre métier que l’on dit social. Je ne sais pas ce que mes pairs travailleurs sociaux en penseraient mais je trouve que nos métiers, sous leurs aspects charitables, manquent cruellement d’humanité. 

 

Le poids des préjugés, des représentations, du formatage,semble brider de plus en plus nos professions de soutien à autrui. L'atmsophère du social semble être à la méfiance quant au lien.  Nous semblons parfois nous rassurer dans la technicisation de l'approche de l'autre. 

 

Je me suis engagée dans cette profession pas seulement avec conviction mais avec passion. Passion féroce d’agir pour plus de justesse, de justice, dans une société trop fragmentaire, trop inégalitaire.

Je me sens l’égale de ceux que j’accompagne. Je ne me sens pas en distance avec les personnes à qui je tends la main. Je leur offre ce que je peux, toujours, j’essaie, le meilleur de moi-même.

 

Combien de personnes rencontrées m’ont hantées, me hantent encore. Combien pour qui en rentrant le soir je me suis décarcassée, soupirant parfois, de n’avoir à leur offrir aucune solution.

J’ai des picotements au cœur quand je repense à certains mômes que même le Juge des enfants n’a pas toujours pu aider.

 

Mais c’est comme ça, on ne peut pas toujours aider quelqu’un même si ça fait mal au cœur et que ça cause parfois du chagrin.

 

En cette nouvelle année 2012, je voulais adresser une grosse dédicace  à tous ces  mômes croisés (de l'AEMO aux foyers éducatifs aux centres de vacances). 

 

Ils m’ont tellement apportés, tellement amenés à me remettre en question, à comprendre l’influence de mes propres réactions dans certains de leurs comportements, à comprendre qu’on apporte du soutien et peut être de l’aide à quelqu’un, en n’accordant de l’importance qu’à ce qui va bien, certainement pas en  se focalisant sur ce qui va mal, certainement pas en entrant dans une folie répressive de la chasse aux mauvais comportements.   

 

Beaucoup en mal d’amour, en quête de reconnaissance, beaucoup se sentant mauvais, jugés, condamnés par autrui.

Attention à nos discours et à nos propos, au regard que l’on porte sur eux, les mômes tenteront presque souvent de coller à l’étiquette qu’ils pensent, rarement à tord, qu’on leur à collé.

La société se méprend sur sa jeunesse et les dirigeants, les médias, font tout pour entretenir cette méprise.

Peut-être parce qu’ils y ont un intérêt ?

 

Notre jeunesse est en souffrance et on ne peut si facilement, comme certains cherchent à le faire, attribuer, comme s’ils étaient des adultes, à nos enfants, la responsabilité pleine et entière de leurs dérapages. Vouloir readapter l’ordonnance du 2 février 1945 en allant toucher à la philosophie,à l’esprit même du texte est plus qu’une grossière erreur. J’ai froid dans le dos quand je pense aux conséquences. L’ordonnance du 2 février 1945, c’est la primauté de l’éducatif sur le répressif en matière de délinquance des adolescents. c'est le texte fondateur en matière de justice des mineurs.

 

Mais je me pose une question, est-ce en mâtant nos adolescents que nous leur permettront de grandir ? Aujourd’hui, la tendance est de se désintéresser de l’éducatif pour faire primer le répressif. On n’éduque personne avec du chantage, on ne permet pas à une société de progresser si on maltraite ses enfants et si on cesse de croire en eux.

 

Une grosse dédicace pour tous ses mômes croisés au détour de mon chemin, que mon métier m’a amené à rencontrer, avec lesquels j’ai appris l’humilité. Merci à beaucoup d'entre eux pour m’avoir montré que derrière la carapace, se cache un cœur gros comme ça.

 

 

 

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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 01:03

Je n'aime pas la société dans laquelle nous vivons. Je ne l'aime pas parce que je ne la trouve pas très chouette.

Souvent je comprends que beaucoup de gens portent leurs boulets et ont du mal à avancer. 

Je comprends aussi qu'il y a de la tristesse et de la souffrance et que, bien sûr, nous nous évertuons tous à la masquer. 

 

Nous avons tous nos souffrances.

Mais lorsque la précarité, l'injustice et l'inégalité de la société s'y rajoutent, ça devient dramatique car tout peut devenir plus compliqué.

Les souffrances peuvent se multiplier et alors amener bon nombre d'entre nous à "exploser".

Notre société m'agace, oui elle m'agace, car elle ramène toujours chacun, en matière de comportements inadaptés, à sa propre responsabilité. 

Cependant  je constate qu'elle interroge rarement la sienne, dans ce qui peut amener, ceux qu'elle juge et condamne, à devenir "déviants".  

 

Un exemple au hasard, mais peut-être pas tant que ça. Ces fameux, trop célèbres quartiers populaires, ceux dont les médias raffolaient il fut un temps.

la violence y est présente et dénoncée.

C'est d'ailleurs pour ça qu'on nous parlait tout le temps d'insécurité. 

Là-bas, on on n'a plus le choix que de créer des dispositifs spéciaux parce qu'y enseigner, c'est un peu plus compliqué

... 

Le problème serait-il alors que les gens qui y naissent  ont un patrimoine génétique où serait inscrit plus de violence ou plus de bêtise?

 

Nous qui nous considérons comme de braves citoyens, qui avons réussis notre vie avec un travail, une famille chaleureuse et de l'argent pour subvenir à nos besoins, dites-moi,  que savons-nous vraiment de ce que nous serions si notre vie, nos conditions d'existences, étaient différentes?

 

Quelle serait notre vie étions nés dans la précarité?

Si nous avions rencontrés maintes et maintes fois la violence? 

Si nous avions rencontrés le rejet, l'exclusion, une société qui a du mal à nous accepter et donc à nous intégrer ? Quelle serait notre vie si la violence du système nous avait malmené quotidiennement?

Peut-être bien que nous aussi, finalement, nous cramerions des voitures de temps en temps (pour ne citer qu'un exemple). 

Peut-être surtout, si cette société dans laquelle nous vivions, dans nos révoltes et nos actes inadaptés, se contentait toujours obstinément à ne voir que la surface, à être jugeante, aveugle face à notre souffrance et imperméable à nos cris.

Peut-être également si nous constations sans cesse et sans répit, l'injustice de nos conditions de vie face à d'autres dans l'abondance, ne sachant vivre qu'en nous méprisant.  

Lorsque l'on ouvre les yeux, on peut se rendre compte aujourd'hui que si violence il y a partout, elle est en plus grand nombre là où vivent ceux que notre croissance économique laisse pour compte .

je n'excuse ni ne cherche à pardonner les actes qui nuisent à autrui.

Cependant, Il me semble trop facile de ne voir les violences que sous le prisme de la responsabilité individuelle. je rigole parce que notre société demande le respect alors qu'elle ne respecte pas elle-même. 

 

Ils me font rire ceux qui jugent l'autre par ses comportements.

Ils me font rire à se permettre de se penser meilleurs, bien au chaud dans leur chaumière, dans le confort de leur existence tranquille et sans heurts majeurs, avec de l'argent pour subvenir à leurs besoins ainsi qu'une famille chaleureuse qui les entoure et les soutient.  

Nous jugeons tous à différents degrés les comportements de nos concitoyens.

Certains le font plus que d'autres. On le fait la plupart du temps je crois par méconnaissance et incompréhension.

Nous nous montrons  finalement bien prétentieux à nous penser bien mieux que les autres et à nous croire si éloignés de ceux que l'on classe trop facilement comme étrangers à tout ce que l'on peut être. 

Si demain le malheur nous frappait, notre vie pourrait basculer et nous pourrions devenir ce que nous n'aurions jamais pensé être.

 

Je crois qu'une part de folie nous habite tous mais qu'on la gère beaucoup mieux dans de meilleures conditions de vie. Je crois fondamentalement que les personnes que j'accompagne sont des gens comme les autres. Avec leurs faiblesses et leurs forces. Avec leurs fragilités et leurs ressources. Comme vous, comme moi.  Même si pour certains, la dureté du vécu a amène à plus de souffrance et  plus de fragilité et a être décrypté, analysé comme des personnes ayant des comportements inadaptés. 

La déviance se décide à partir d'une norme qui juge ce qui est adapté et ce qui ne l'est pas. Et lorsque que l'étiquette stigmatise, une représentation se forme.

 

Notre société m'agace car elle catalogue les gens. Nous sommes mis dans des cases et étiquetés selon la case à laquelle on nous fait appartenir. Je ne trouve pas normal que des gens soient plus stigmatisés que d'autres. Nous avons tous nos failles et nos défaillances et il ne faudrait pas que nous l'oublions. Et en tant que professionnel, il ne faudrait surtout pas qu'un diplôme nous enlève notre capacité à en être convaincu.  

A trop mettre les gens dans des cases, on risque d'oublier que malgré nos différences, nous sommes tous les mêmes (dixit Rockin squatt) et qu'être travailleur social ne nous situe pas dans une caste différente et supérieure des personnes que nous accompagnons.

 

Ce qui m'inquiète dans notre société aujourd'hui c'est qu'elle manque de sens du lien. Dans notre métier pour exemple, on se centre presque essentiellement sur l'analyse des comportements d'autrui.

Autrui est l'objet d'une analyse de ses comportements que l'on juge inadapté et sur lequel nous devons tenter d'intervenir. C'est comme si l'autre était moins envisagé comme une personne mais plus comme un objet avec un problème à solutionner. Nous tenons ainsi l'autre à distance. 

On ne cesse de nous répéter dans notre intervention de nous protéger de l'autre. La proximité est mise à distance. L'affectif est dangereux.

Dans mon métier, ressentir de l'affection pour les personnes que nous accompagnons serait presque une faute professionnelle.

Depuis la base, depuis la formation, on n'entend parler que de distance affective. Je trouve ça finalement bizarre et suspect. Pourquoi dans un travail au coeur de la relation humaine nous conseille t-on d'abord de nous positionner en distance plutôt qu'en proximité?

Je crois en la chaleur humaine, en l'accueil et dans les vrais liens.

 

Je trouve que notre société a du mal à créer du lien. Je trouve que mon métier aussi.

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